My Broken Mariko

Avis principal par Beldaran

Lu en janvier 2021, j’ai relu l’œuvre de Waka Hirako 11 mois plus tard et la puissance du récit est encore plus prégnante. Il est difficile d’imaginer qu’il s’agit du premier titre publié en tome relié de l’autrice, tellement l’ensemble est maîtrisé. La lecture est viscérale. Le récit décortique toutes les facettes de la rage, de la colère à l’impuissance, au fil d’une course effrénée, incarnation du processus de deuil du personnage principal.

L’histoire présente l’amitié existant entre Tomoyo et Mariko ou plutôt sa fin, brutale, avec le suicide de cette dernière. Le début représente un coup de massue pour Tomoyo, son esprit n’accepte pas la nouvelle, puis la rage anime le corps, réactive des souvenirs décousus et c’est une fuite en avant qui attend la lectrice et le lecteur.

C’est une course terrible et pourtant salutaire pour Tomoyo qui exprime sa douleur en s’adressant au fantôme de Mariko, résidu d’une époque révolue. Dans un premier temps, sa peine s’exprime de manière brutale, dans un mouvement désordonné.

La narration happe. Elle révèle avec pudeur les violences familiales, vécues par Mariko dès son plus âge. Nous comprenons que le personnage est brisé. Mariko ne sait pas comment interagir avec les gens mais Tomoyo est sa lumière, une personne pour qui elle compte. Alors Tomoyo ne comprend pas le dernier geste de son amie. Le traitement de cette phase, mélange d’incompréhension et de culpabilité est parfaitement traitée et retranscrite.

Le lien qui unit les deux jeunes femmes depuis l’enfance est difficile à décrire car il ne s’agit pas seulement d’amitié, c’est beaucoup plus fort.

Les dix dernières pages marquent une rupture dans le rythme, il s’apaise. Tomoyo a terminé son voyage. L’autrice gère parfaitement la fin, laissant libre cours à notre interprétation. J’aime beaucoup la dernière page.

Il faut ajouter que l’histoire n’aborde pas seulement la thématique du deuil mais de nombreux sujets sur la condition des femmes dans la société. Naturellement, en si peu de pages, les thèmes ne sont pas fouillés mais je trouve qu’ils accompagnent parfaitement le périple interne de Tomoyo. C’est en cela que je trouve le récit d’une grande justesse.

Si l’histoire nous entraine, c’est en grande partie grâce à la nervosité et à l’urgence qui se dégage des graphismes. La rage de Tomoyo explose des pages. La mise en scène est épatante, appuyée par des angles de vue brillants.

L’interview de l’autrice est particulièrement intéressante et éclairante sur le récit et son travail de manière générale.

Le volume se termine sur le premier récit de l’autrice, Yiska, un western des temps modernes très agréable à parcourir.

L’éditeur a soigné le volume. L’ouvrage est proposé en grand format, avec un papier épais, une bonne qualité d’impression et une page couleurs. La traduction, signée Alex Ponthaut, est impeccable.