Avis principal par Beldaran
C’est avec Innocent que je découvre le travail de Shin’Ichi Sakamoto et quelle claque ! Cette première partie, bouclée en 9 tomes, est tout simplement remarquable. Cependant, autant l’écrire immédiatement, c’est une œuvre dure avec des scènes de torture et autres qui peuvent choquer les âmes sensibles.
Le récit nous plonge à Paris quelques décennies avant la révolution auprès d’une figure emblématique du siècle, Charles-Henri Sanson exécuteur des hautes œuvres. Le personnage intrigue dès le premier tome car sa longue carrière est jonchée des corps de 3000 personnes qu’il a exécuté. C’est surprenant de s’attaquer à ce pan d’Histoire par le biais d’un bourreau mais l’auteur, au fil des tomes parvient à tisser brillamment l’histoire de la famille Sanson et l’histoire de France.
Nous découvrons la charge de bourreau. Ces personnes font respecter la justice/volonté du roi mais sont méprisées autant par les classes populaires que par les nobles. Cependant, leur connaissance précise de l’anatomie, démontre qu’elles ne sont pas de simples « bouchers », mettre à mort, demande du « savoir-faire ». Cette connaissance du corps est également utile pour soigner. Ces personnes sont les hommes de la famille Sanson, famille tenue d’une main de fer par la grand-mère : c’est glaçant. L’immersion au cœur de ce clan est plutôt perturbante car le poids de la charge de bourreau pèse sur la destinée de ses membres.
Du côté de la grande Histoire les 9 tomes couvrent les années 1753-1772 et nous rapprochent dangereusement de la Révolution. Dans ce tourbillon, on retrouve les personnages célèbres de l’époque et malgré quelques faits romancés, on sent que l’auteur a fait des recherches sur la période dont les mœurs et les clivages sociaux. Le rendu est réaliste et surtout particulièrement riche. Le mangaka propose ainsi une critique de la société intéressante et captivante.
La narration est travaillée. Elle est ponctuée de métaphores toujours plus imaginatives et saisissantes. Cependant, il y a quelques passages plutôt « artificiels » avec des dialogues/poses très théâtrales qui n’apportent pas grand-chose au récit.
Naturellement, le corps de l’œuvre repose sur deux personnages, Charles Henri Sanson en premier lieu et ensuite la sœur Marie Josèphe qui se révèle au fil des tomes. Charles Henri connaît une évolution magistrale mais qui laisse un goût amer au lecteur car le jeune garçon innocent du début semble ployer sous sa charge et abandonner ses idéaux. En revanche, la fougueuse Marie Josèphe, respire la liberté et n’hésite pas à briser les codes. Elle est vraiment très, très classe. Il me tarde de connaître leurs développements dans la suite.
En ce qui concerne les graphismes, ils sont tout simplement époustouflants, que ce soit l’expressivité des personnages où la finesse et le détail des décors. Il y a de multiples passages sans dialogue, inutiles, face à la puissance narrative des dessins.
En conclusion
Innocent nous offre une immersion totale et captivante dans une période clé de l’histoire de France auprès des membres d’une famille qui le sont tout autant. Les dessins sont magnifiques. La Révolution gronde, place à la suite, Innocent Rouge !
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