Avis principal par Maccha
Dans un recoin de ce monde est un très bon titre en deux tomes publié dans la collection « Made In » des éditions Kana. C’est avec cette œuvre que j’ai découvert Fumiyo Kouno, mangaka connue en France plus par son titre Le Pays des Cerisiers, publié également dans la même collection. C’est le trait doux des couvertures qui a attiré mon attention en premier, et à l’image des couvertures, c’est une œuvre pleine de douceur que nous propose l’auteure, et ce malgré l’époque difficile pendant laquelle se déroule l’histoire.
On suit le quotidien de Suzu et de sa famille pendant la Seconde Guerre Mondiale à Kure, à 20km de Hiroshima où elle est née. Il manque peut-être une petite introduction expliquant le contexte dans lequel se situe le récit mais en connaissant un peu l’histoire on sait qu’on est en période de guerre et on connaît le sort qu’attend Hiroshima en août 1945. Malgré les difficultés de l’époque, la mangaka a le don de raconter son récit dans un ton léger et une ambiance douce.
Le manga commence avec une introduction d’une cinquantaine de pages dans les années 30 où on assiste un peu à la vie d’une famille qui vit de la culture des algues avec la fabrication de nori. Suzu est une fille gentille et rêveuse qui vit à Hiroshima avec sa petite sœur Sumi, son démon de frère et ses parents. C’est un personnage toujours un peu dans la lune et sa personnalité donne de la légèreté et des touches d’humour au récit. L’histoire principale commence en 1943. Suzu est demandée en mariage par un jeune homme de Kure qu’elle ne connait pas vraiment et elle part vivre chez son mari et la famille de celui-ci, comme c’est souvent fait à l’époque. Son mari, Shûsaku, est un homme de tempérament calme et sa nouvelle famille est bien gentille avec elle, même si elle se fait souvent gronder par la grande sœur de son mari qui a du caractère. On assiste à la nouvelle vie de Suzu dans cette famille dans un contexte où les effets de la guerre se sentent de plus en plus sur la vie des civils. C’est une bonne épouse souriante qui travaille bien. On peut la considérer comme une femme modèle japonaise de l’époque malgré son côté maladroit et rêveur.
La mangaka s’est bien renseignée sur son sujet et on apprend beaucoup de choses de la vie des civils de cette époque. On découvre les conditions de vie dans la région à cette période ainsi que les coutumes et les mœurs japonaises. On voit l’importance de la vie en communauté en période de guerre avec les voisins qui doivent s’entraider et s’organiser pour le rationnement et d’autres ordres du gouvernement. C’est l’époque où les femmes travaillent beaucoup pour leur famille également, même dans l’industrie militaire comme dans beaucoup de pays à cette période. Tout le monde a des tâches à effectuer. On voit comment les gens essayaient de lutter contre le manque croissant des produits alimentaires, avec les astuces de cuisson conseillés, l’utilisation des produits de substitution ou encore des achats au marché noir malgré les prix exorbitants. Les citoyens doivent s’entraider pour les fournitures et objets manquants et s’habituent à vivre de plus en plus avec les alertes d’attaques aériennes en allant aux abris. J’ai vraiment apprécié le travail de recherche effectué par la mangaka même si parfois j’ai eu l’impression qu’il y avait un peu trop de détails, comme les schémas des bases marines, ou les types d’avions, par exemple.
C’est à travers des chapitres courts qu’on va aller petit à petit jusqu’en 1947 au dernier chapitre. Suzu et sa famille vont aussi prendre leur part de tragédies. Cependant, on ne tombe pas dans le mélodrame et le ton reste assez juste et pudique. L’auteure donne également un beau message d’espoir à la fin de son récit.
Le trait simple et parfois un peu enfantin de la mangaka accentue le ton léger, doux et chaleureux du récit. Dans certains chapitres, on a l’impression de lire un manga sans dialogues ou un livre illustré. Suzu est également très douée pour le dessin et j’ai beaucoup aimé les scènes où elle dessine, notamment quand elle dessine une dernière fois les beaux paysages d’Hiroshima. Le passage entre ses dessins et le manga est parfois un peu flou et on ne sait pas si on est toujours dans son dessin à elle. J’ai bien aimé cet effet. Enfin, j’ai beaucoup aimé les dernières pages en couleurs avec le passage en cours de page par un pinceau qui donne un bel effet doux.
En conclusion
Un très bon titre qui, malgré le sujet et l’époque difficiles, est plein de douceur et a un ton très juste. J’ai beaucoup aimé.
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