Cette année et pour la seconde fois, nous avons le plaisir de participer à la Semaine du Shôjo organisée par Club Shôjo.
Cet événement est le moment idéal pour partager autour du shôjo. Club Shôjo propose un article par jour, nous vous invitons à aller les découvrir (voici le programme). Mais ce n’est pas tout, puisque plusieurs adorateur.trice.s de shôjo ont été réuni.e.s pour parler de shôjo tout en ayant un thème commun.
Le thème de cette année est le suivant : « Que préférez-vous dans les shôjo ? ». Nous sommes plusieurs à avoir répondu à cette question dans l’équipe, découvrez ci-dessous le point de vue de chacune d’entre nous, ceux-ci étant parsemés de petites recommandations pour étayer nos propos.
La proposition de Aela
« Que préférez-vous dans les shôjo ? », voilà une question très intéressante à laquelle il m’a fallu un peu réfléchir pour proposer une réponse. Alors, je ne vais pas mentir, j’ai la romance bien mièvre, je suis la preuve vivante que l’on peut être sarcastique et fleur bleue… Mais ce que j’aime dans le shôjo ce sont la diversité des thèmes proposés et notamment sociétaux, ce sont des lectures fortes et qui laissent rarement indemnes à la fin.
De la phobie scolaire au harcèlement en passant par la transidentité ou le handicap, je trouve que le shôjo met toujours en avant et avec justesse des thèmes qui poussent à la réflexion. Je pense aux séries de Reiko Momochi qui ne fait pas dans la facilité en abordant des sujets contemporains avec une approche très réaliste. J’ai été particulièrement marqué par la lecture de Moi Aussi qui traite du harcèlement sexuel, un manga documentaire puisque adapté d’une histoire vraie, celle du combat de Kaori Sato qui se bat pour faire reconnaitre son statut de victime dans une société patriarcale, rigide et vieillissante. Une lecture coup de poing qui est malheureusement toujours d’actualité alors que le manga a été publié en 2018 au Japon et 2 ans plus tard en France.
Plus léger, j’ai été contente de voir arriver en France des mangas traitant du handicap qu’il soit visible ou invisible. Difficile de ne pas évoquer Perfect World de Rie Aruga qui parle du handicap avec justesse. La mangaka s’est beaucoup renseignée et cela se ressent à la lecture. Cette mise en lumière des difficultés rencontrées au quotidien par les personnes à mobilité réduite est juste parfaite, j’ai vécu un certain nombre de ces situations quand nous avons eu à faire face au handicap dans ma famille. J’ai aussi trouvé un certain écho avec mon vécu avec Running Girl, un joli manga où l’héroïne malgré son amputation se trouve un but et revit. Je pourrais également citer A Sign of Affection qui traite de la surdité et des difficultés de communication que rencontre Yuki.
Une lecture qui m’a également marquée, c’est celle de Goodnight, I love you… Complètement cathartique puisque le premier tome est sorti à peine un mois après le décès de mon père… Ce road trip identitaire m’a fait un bien fou et m’a beaucoup aidé à prendre du recul sur les choix de mon père.
Côté identité, j’ai beaucoup aimé le one shot de Deme Kingyobachi, Le Secret de Madoka, une histoire ultra positive sans violence sur l’acceptation de soi et la tolérance. Tout comme Celle que je suis qui traite de la transidentité, un thème très actuel mais plus ou moins obscur pour une grande partie de la population.
Je pourrais continuer encore longtemps comme cela mais toutes bonnes choses ont une fin. Je me rends compte que je n’ai cité que des mangas édités chez Akata, c’est totalement le fruit du hasard… Ou pas… Puisqu’il s’agit probablement de l’éditeur qui propose le plus de shôjo avec des thèmes sociétaux dans son catalogue.
La proposition de Beldaran
La semaine du Shôjo lancée par Club Shôjo revient cette année avec une question simple, « que préférez-vous dans les shôjos ? », qui me permet de développer ma marotte du moment et, pour se faire, la parole est à Cicéron : « Car si le visage est le miroir de l’âme, les yeux en sont les interprètes ». Et oui vous l’aurez compris : passion Mirettes !
Les détracteurs des shôjo s’attaquent à une des caractéristiques la plus visible de cette cible éditoriale, les yeux. (Je laisse de côté la romance mais Passion Romance aussi). Ces yeux immenses, version soucoupes brillantes, qui dévorent la moitié des visages des personnages et je pense notamment aux œuvres du début des années 2000 à l’image de Kilari (2005, Glénat) ou dans une moindre mesure ceux de Kasahara dans Library Wars (2008, Glénat aussi). Il apparaît que cette mode des grands yeux tend à s’estomper au fil des goûts qui se transforment mais leur force de frappe reste identique : transmettre une émotion avec justesse, sans passer par le dialogue. En effet, un regard travaillé vaut mille mots et c’est assurément une des forces des histoires shôjo mais aussi josei ou encore boy’s love. Pour ce dernier, je pense au recueil The World’s End où Sagan Akagawa joue avec les formes des yeux suivant les trois récits qui explorent des genres différents, fantastique, quotidien et SF. Elle expose les tréfonds de ses personnages en jouant sur les effets de la lumière sur les pupilles.
Les autrices soignent particulièrement cet élément capital du visage par lequel transite toute une palette d’émotions et par lequel se transmet tout autant de sentiments. Chaque autrice aborde les yeux à sa manière, en jouant sur leurs formes, la lumière et par l’ajout de petits détails qui transforment totalement une scène pour lui offrir la puissance narrative adaptée.
L’autrice qui a révélé ma fascination pour les yeux est la brillante Tomoko Yamashita grâce à ses deux merveilleuses séries, le josei Entre les Lignes publié aux éditions Kana (9/11 tomes) et le boy’s love The Night Beyond the Tricornered Window (9/10 tomes) proposé chez Taifu. Les deux récits brillent par la finesse d’écriture des personnages et la délicatesse du trait. Nous avons beaucoup de chance qu’elle soit éditée en France. C’est incompréhensible que ces deux œuvres ne rencontrent pas le succès.
Bref, j’en reviens aux yeux. C’est depuis que je lis Tomoko Yamashita que je porte une attention aiguisée aux regards dans les séries que je lis. Ses regards ne sont jamais anodins. Je peux passer de longues minutes sur les pages dessinées par la mangaka, totalement absorbée. D’ailleurs, je crois qu’à la fin de toutes mes chroniques de The Night Beyond the Tricornered Window, je parle du traitement des yeux.
La mangaka caractérise aussi ses personnages par le biais de leurs regards où les yeux ne sont pas de simples attraits physiques mais permettent d’accéder à l’intime du personnage. Je surinterpréte peut-être mais le soin apporté aux prunelles n’est pas le fruit du hasard et les regards participent pleinement à la construction du récit et sont des guides de lecture.
Avec cette question, finalement très étendue, j’aurais pu aborder le fait que les shôjo soient des œuvres écrites par des femmes pour des femmes et que cela se ressent dans le traitement de la variété des sujets, ce qui fait que j’attends les nouveautés avec impatience. Cependant, les yeux l’ont emporté : passion mirettes !
La proposition de ladybird3000
Le premier manga que j’ai lu était un shôjo (Ultra Maniac de Wataru Yoshizumi), puis les premières séries mangas que j’ai possédées étaient également des shôjos (Nana de Ai Yazawa et Fruits Basket de Natsuki Takaya). On peut dire que, depuis toujours, j’affectionne particulièrement les mangas issus de cette cible éditoriale, mais j’avoue que je ne m’étais jamais vraiment demandé ce que je préférais dans ce type de lectures. C’est donc l’occasion parfaite pour explorer cette question.
Parmi toutes les particularités du shôjo, je dirais que ce que je préfère, c’est le développement des personnages, de leurs sentiments et de leurs états d’âme en passant notamment par les monologues intérieurs. Le fait de connaître l’état d’esprit des héroïnes (car il s’agit quand même souvent de filles, même si ce n’est pas toujours le cas) permet d’être au plus proche d’elles et de s’infiltrer au plus profond de leur être. Nous connaissons toutes leurs interrogations, toutes les pensées qui traversent leur esprit sur ce qu’elles devraient faire ou ce qu’elles pensent. Bref, cela permet d’apporter une proximité avec les personnages et de les comprendre plus facilement.
Pour moi, Ai Yazawa est la mangaka qui a réussi à utiliser le monologue intérieur de la meilleure des façons. C’est peut-être parce que c’est une des premières œuvres que j’ai lues, mais dans Nana, les monologues intérieurs sont vraiment essentiels et c’est une œuvre qui illustre parfaitement leur importance dans le récit. Ils prennent parfois plus de place que les dialogues, et peuvent commencer au début d’un chapitre pour se terminer à la fin de celui-ci. De plus, dans cette série, ce sont les deux héroïnes qui nous livrent leurs pensées, ce qui permet de mieux comprendre chacune d’entre elles. Dès le premier tome, le monologue est également utilisé pour raconter l’histoire, on comprend que Nana Komatsu nous raconte son histoire alors qu’elle a déjà vécu tout cela. La façon dont elle parle apporte une forme de mélancolie et soulève aussi peut-être des regrets, donnant un ton parfois plus pesant.
Cet aspect me plait aussi sans doute, car je suis quelqu’un qui réfléchit beaucoup, même beaucoup trop. Plus jeune déjà, je me faisais des scénarios improbables, pour la plus petite des situations. Cela me paraît donc assez naturel de lire l’histoire de jeunes filles ou femmes qui ont, elles aussi, énormément de pensées qui débordent et qui vont parfois les perdre à force de trop réfléchir.
« Dis, Nana…
On a souvent regardé la lumière scintiller sur le fleuve,
assises toutes les deux sur la rive…
La mélodie que tu fredonnais alors, chante-la moi encore. »
La proposition de Maccha
Personnellement j’ai découvert le shôjo avec Candy et effectivement le fait de partager les pensées de l’héroïne, ou parfois du héros, fait qu’on peut s’identifier au personnage, avoir de l’empathie pour lui, et de s’attacher à lui. On est aussi invité à l’introspection et on peut trouver quelque chose de nous-mêmes dans notre lecture. Un des titres que je peux citer est Fruits Basket de Natsuki Takaya où les différents personnages se mettent en question pour évoluer. J’aime les titres où la psychologie des personnages est bien travaillée. Je peux aussi citer Mars de Fuyumi Soryô où le personnage de Rei est assez torturé à cause de ses traumatismes ou encore L’infirmerie après les cours de Setona Mizushiro où on voyage dans le monde intérieur des personnages à travers les rêves.
J’aime aussi l’esthétisme des shôjos. Les dessins sont souvent fins et soignés et on a de jolies mises en scène. Je pense aussi que les beaux gosses, souvent mystérieux, nous font souvent craquer. On y a droit dans tous les titres, même dans Mon Histoire, où le personnage principal est un gros nounours au cœur d’or.
Enfin, j’aime la variété des thèmes. Le marché est saturé par des romances lycéennes mais les fans de shôjo savent que le genre ne se limite pas qu’à la romance ni au lycée. On peut trouver des histoires de familles, des sujets de société, des magical girls, du fantastique, du mystère ou même des titres horrifiques.
Pour aller plus loin
Vous pouvez découvrir les articles sur ce même thème proposés par les blogueur.se.s et vidéastes participant à l’événement (les liens seront ajoutés au fur et à mesure) :
Avec ces profils différents, on sent encore mieux la diversité des shojos c’est vrai et je trouve même presque amusant d’y voir l’évolution du marché français et ces choix progressivement de plus en plus sociétaux. C’est comme si on remontait le temps en allant d’Aela à LadyBird ^^
Merci pour ton commentaire ! C’est vrai que Aela et Beldaran ont mis des titres plus récents, tandis que Maccha et moi plus anciens, je n’avais pas remarqué ^^ Cela montre la diversité qui existe, et ce depuis des années 🙂