Le Chat Noir

Le Chat Noir

Résumé :

Quel est le point commun entre un ventriloque, un mangaka d’horreur, un garçon et son chien et un vieux couple bagarreur ? Un simple chat noir, car c’est à travers ses yeux que les histoires de ces personnages nous sont racontées. Guidé par sa fascination pour les humains, le chat noir nous emmène à travers ses pérégrinations afin de découvrir ce que l’âme humaine recèle de plus étrange. Sa curiosité insatiable le conduit inévitablement vers ce que le genre humain à de plus sombre à offrir. C’est à se demander si le félin se limite au rôle de spectateur, ne dit-on pas qu’il est annonciateur de mauvais présage ? Source : Imho

Avis principal par Beldaran

La dernière semaine du mois d’août, sur feu Twitter, lors d’un fil concernant la diversité du shôjo manga, on nous a demandé pourquoi nous n’avions pas parlé du shôjo d’horreur paru en février 2023 aux éditions Imho, Le chat noir de Hideshi Hino.

Mon premier réflexe a été d’indiquer que je ne lisais pas d’horreur ce qui expliquait que j’étais passée totalement à côté de la sortie de ce titre. Quasiment en même temps, Julia Popek, dont je vous encourage à suivre les recherches et réflexions toujours pertinentes sur les shôjo, lançait une interrogation sur le pourquoi nous ne lisions pas de titres d’horreur. Les diverses réponses ont dévoilé le vaste champ du genre qui revêt de multiples formes. Cela m’a fait prendre conscience qu’en fait, j’en lisais, comme l’excellent The Night Beyond the Tricornered Window de Tomoko Yamashita où les passages horrifiques se déploient tout en subtilité ou Mieruko-Chan – Slice Of Horror et son aspect tragicomique horrifique avec des monstres bien cracra. J’ai également, Tomie de Junji Itô qui traine dans ma PAL.

Je reviens à ce fameux fil d’août où Le chat noir m’a ensuite été présenté par Julia Popek et Joan/Meloku (qu’on ne présente plus et qui propose des articles de grande qualité, suivez-le si ce n’est déjà fait). Résultat, le lendemain, après avoir écumé trois librairies, j’arrivais à mettre la main sur le tome, que je lisais dans la foulée.

Je suis sortie emballée par cette lecture qui m’a permis de découvrir un des maîtres de l’horreur de la deuxième moitié du XXe siècle qui s’est également essayé à l’animation et au cinéma, Hideshi Hino.

Les éditions Imho publient les œuvres du mangaka depuis le début des années 2000 (Panorama de l’enfer, Serpent rouge), avec des rééditions dans les années 2010. Le chat noir fait partie des premières publications de l’autour où l’accent est plutôt mis sur la psychologie des personnages que sur le gore et la déformation des corps.

Le volume est composé de quatre histoires qui mettent en scène la folie humaine sous toutes ses coutures. Le tout est observé par le regard curieux d’un chat noir, fasciné par cette humanité grouillante capable du pire. L’idée du chat narrateur fait écho à la première œuvre majeure de l’écrivain Natsume Soseki publiée en 1905, Je suis un chat où, par les yeux du félin nous découvrons la société japonaise au début du XXe siècle. C’est une satire riche et drôle, quoiqu’un peu longuette par moment, que je vous recommande.

Les premières pages introduisent, le chat, baptisé Noireau par son premier « maître », qui découvre que la couleur de son pelage le classe dans les bestioles de mauvais augure mais, cela ne tue pas sa soif d’exploration, bien au contraire.

Hideshi Hino nous offre quatre histoires d’une cinquantaine de pages diablement bien construites, à la chute toujours surprenante.

Les quatre récits ne m’ont pas marqué de la même manière et un m’a laissé de marbre, celui concernant le mangaka d’horreur qui fait de la mise en abyme sur l’écriture d’un titre horrifique. Nous, lecteurices, lisons un manga d’horreur dont un chapitre complet est dévolu à un mangaka d’horreur qui écrit un manga d’horreur. C’est conceptuel. Je salue la narration totalement déroutante et étourdissante mais la perplexité l’a emporté.

L’autre histoire qui m’a le moins marqué, même si la fin est surprenante, est la dernière celle sur le vieux couple dont le quotidien vire à la foire d’empoigne régulièrement. Le côté absurde des situations est poussé à l’extrême et le dicton « qui aime bien châtie bien » n’a jamais été aussi juste. J’ai apprécié l’ambiance glaciale parfaitement retranscrite et le traitement de la maison.

La première histoire donne le ton et si vous avez un problème avec les clowns, je la déconseille. Ce récit est fascinant dans sa construction de la perte de la réalité du protagoniste qui n’est pas forcément au top du top dès le départ mais qui trouve un point d’ancrage. Cet élément lui apporte du réconfort mais, il est rapidement dépassé par ce que cela entraine et il sombre à nouveau, de manière plus violente. L’ambiance est dérangeante à souhait et la folie explose dans les dernières cases. J’ai été surprise. Je m’attendais à quelque chose de sanglant mais c’est parfaitement cohérent avec le personnage.

Le chapitre qui m’a le plus emballé est le troisième, celui sur Le garçon et le chien noir. Le propos est dur : un jeune garçon maltraité par ses camarades et une mère absente. Le garçon trouve du réconfort auprès d’un chien noir. Dans cette ambiance terrible, marquée par une profonde tristesse et un désespoir galopant, notre chat noir tacle tranquille la faiblesse des chiens. Cette légèreté apporte un décalage de ton bien trouvé, surtout que les évènements dramatiques s’enchainent, vite. Le garçon perd pied et glisse lentement vers l’inexorable, soutenu par l’indifférence des adultes.

Ces quatre histoires mettent en scène des êtres qui marchent sur le fil ténu de l’existence et qu’un rien fait basculer dans la folie, jusqu’à se briser. Le chat ne reste jamais jusqu’à la fin, à nous d’imaginer la suite.

Les ambiances singulières sont parfaitement rendues grâce au dessin de Hideshi Hino et notamment la manière dont il joue avec les fonds noirs et les yeux des personnages. C’est flagrant dans le chapitre trois où le garçon est englouti lentement par le noir de la planche. Les traits de l’auteur sont épais et les visages masculins sont mal dégrossis, par rapport à la finesse de ceux féminins. Ils sont très expressifs, grâce au travail sur les yeux. Les mises en scènes sont frappantes, adaptées à chaque histoire, magnifiant les passages importants.

L’édition est dans les standards de l’éditeur. Le papier est souple et la qualité d’impression correcte. Il n’y a pas de jaquette. Le visuel de couverture est simple mais efficace et surtout, répond parfaitement à la quatrième de couverture. La traduction, signée Léopold Dahan, colle bien à l’ambiance.

  • Scénario
  • Dessin
4

En conclusion

Le chat noir est une fenêtre sur l’aspect tortueux de l’âme humaine. Le chat fait office de guide dans les méandres de la folie. Un ouvrage parfaitement adapté si vous souhaitez débuter dans la lecture de titre horrifique.

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