Après avoir lancé en juillet 2020 son site en version beta publique, la plateforme de lecture de mangas en ligne Mangas.io est également accessible depuis octobre dernier dans une version application disponible sur Google Play et l’Apple Store. De nombreux éditeurs ont déjà rejoint le projet: Akata, Black Box, Imho, Ki-oon, Kotoji, Mahô, Maned, Naban, Nazca, et à partir du 27 janvier 2022, les éditions Kana. Ayant pour objectif de proposer une alternative légale aux scantrads et de devenir le « Netflix du manga », la plateforme donne droit à l’accès à l’ensemble du catalogue en HD, sans publicités et naturellement avec les traductions officielles, pour un abonnement mensuel de 6.90€. Nous avons réalisé un entretien écrit par mail avec Romain Régnier, le fondateur et meneur du projet Mangas.io.
Bonjour. Pouvez-vous nous rappeler comment vous avez eu l’idée du projet Mangas.io et nous en faire une rapide présentation ?
Romain Régnier : J’ai grandi avec les mangas, du Club Dorothée à Netflix, des rayons de la FNAC à la lecture en ligne. Comme beaucoup de ma génération, le Manga a eu une place majeure dans ma vie culturelle et sociale, et a beaucoup influencé mes choix. À la fin de mes études, en 2011, j’ai déménagé aux États-Unis, et j’ai dû laisser ma collection en France… C’est là que j’ai découvert Netflix, qui m’a au moins permis de regarder les animes. Pour continuer à lire, je me suis tourné vers la lecture en ligne, mais peu de plateformes légales existaient à l’époque.
En revenant en France, j’ai monté ma première startup et gardé dans un coin de ma tête ce besoin d’avoir une app de lecture de mangas à la Netflix. En 2014, j’ai réservé le nom de domaine Mangas.io, en me disant que je ferai quelque chose un jour. Et en 2018, après d’autres expériences entrepreneuriales et voyant que le problème de la lecture en ligne illégale continuait de prendre de l’ampleur, je me suis dit qu’il était temps de me lancer et je suis parti au Japon ! C’est comme ça que l’aventure a commencé pour Mangas.io, l’app de lecture de mangas à l’abonnement, ambitionnant de devenir le « Netflix du Manga » !
Quelles difficultés avez-vous pu rencontrer lors de la création de votre site web ?
Romain Régnier : Techniquement il y a plein de challenges pour lancer une telle application : il faut stocker des données de manière sécurisée, les rendre disponibles en streaming pour les utilisateurs, avoir une ergonomie qui répond au besoin et qui soit adaptative pour les différents formats, être bien référencé, avoir une app mobile…mais ce n’est pas le plus dur ! Le plus difficile c’est d’avoir un catalogue intéressant pour les lecteurs, avec des actualités régulières, des exclusivités etc. !
Mangas.io occupe une place particulière sur le marché du numérique, avec un fonctionnement différent de celui d’Izneo qui propose plutôt des achats de chapitres et tomes, tandis que Mangas.io fonctionne comme les plateformes de séries animées, c’est-à-dire par abonnement. Pensez-vous que ce genre de système permettrait de mieux développer le numérique du manga en France ? Avez-vous utilisé ce système car cela correspondait à une attente du lectorat, souhaitant consommer du manga autrement ?
Romain Régnier : Au tout début du projet, on a questionné la communauté et on s’est rendu compte que 83% des lecteurs lisaient en ligne sur des plateformes illégales, et que moins de 10% consommaient à l’acte en numérique, alors que 82% se disaient prêts à payer un abonnement. C’est ce qu’on voit avec Netflix, Spotify, etc., la notion d’accès, d’expérience, de flux et d’utilisation est plus importante que la « possession » dans le numérique actuellement. L’abonnement permet de faciliter la découverte, de libérer les usages sur la lecture digitale, mais ça n’est pas incompatible avec l’idée de proposer des achats à l’unité numérique, ça se fait beaucoup dans l’audiovisuel. C’est un nouveau moyen de faire connaitre et vivre les licences, avec un modèle accessible pour les lecteurs et intéressant économiquement pour les éditeurs. Le marché numérique reste à construire et c’est certain que l’abonnement à un rôle à jouer important dans ce développement !
Avec le lancement de Manga Plus et les éditeurs qui commencent à proposer certains titres en simultrad, arrivez-vous à trouver et conserver une place confortable sur le marché du manga numérique ?
Romain Régnier : C’est génial que de nouvelles initiatives arrivent enfin sur le numérique et que les éditeurs se lancent dans la simultrad, ça montre que le marché est en train de murir et qu’il va se développer. Aujourd’hui nous sommes la seule plateforme française indépendante et multi-éditeurs dédiée à la lecture de mangas par abonnement, nous avons donc une position très favorable pour prendre la place d’un « Netflix du Manga » en France. On continue de se développer étape par étape et nous avons hâte de passer à la vitesse supérieure en 2022 !
Comment s’est passé le contact avec les éditeurs ? Cela a-t-il été compliqué de les convaincre à se lancer dans cette aventure numérique ?
Romain Régnier : Ça dépend vraiment des éditeurs, nous les connaissons tous depuis 2018 à peu près, et certains ont été très enthousiastes dès le départ, d’autres plus réticents ! Ensuite, comme il s’agit d’un nouveau modèle, cela implique de nombreux échanges pour arriver à mettre en place des accords. Au final, en seulement 1 an et demi, déjà 10 éditeurs nous ont rejoint, avec la volonté de développer l’offre numérique légale en France. Et bien sûr, nous continuons de discuter avec d’autres qui souhaitent également se lancer dans le projet !
Ce travail de démarchage s’est-il effectué uniquement avec les éditeurs français, ou également avec des éditeurs japonais ? Pensez-vous pouvoir proposer des titres inédits en France ?
Romain Régnier : Pour lancer Mangas.io, je m’étais tout d’abord rendu au Japon pour avoir leur point de vue sur le projet, puis nous nous sommes concentrés sur nos échanges avec les éditeurs français afin de proposer des titres déjà publiés en France et de mettre en place des partenariats. En parallèle, nous avons continué à échanger avec les éditeurs japonais afin de les informer sur nos progrès et leur fournir les informations nécessaires pour avancer. Et nous avons également été contactés par d’autres éditeurs étrangers qui sont intéressés par notre offre !
Enfin, oui, ce serait super de pouvoir proposer des titres inédits en numérique et nous savons que c’est aussi une demande de la part de nos lecteurs. Pour cela, nous avons mis en place un partenariat avec l’EIMA (l’école française de formation de Mangaka) pour créer un tremplin pour de jeunes auteurs et travaillons avec des éditeurs français et étrangers sur ce sujet !
Maintenant que la plateforme est lancée depuis quelques mois, des éditeurs vous ont-ils contacté pour proposer des titres ?
Romain Régnier : Oui ! Depuis que la plateforme est en ligne en version Beta, les choses se sont nettement accélérées et nous constatons un intérêt grandissant pour notre service et le numérique de la part des éditeurs. De belles choses sont prévues dans les prochains mois et appuieront notre développement en France !
La version « application » de la plateforme est disponible depuis le mois d’octobre. Êtes-vous satisfaits des premiers retours ? Ce lancement a-t-il eu une influence sur le nombre d’utilisateurs ?
Romain Régnier : Nous sommes très heureux d’avoir pu lancer l’application mobile en Octobre et les retours de nos lecteurs sont très positifs ! Bien sûr, nous avons de nombreuses améliorations à apporter et beaucoup de choses sont prévues pour créer une expérience encore meilleure.
Clairement, l’arrivée de l’application mobile et notre référencement sur les plateformes contribuent à l’accélération de notre croissance, et cela va encore augmenter avec l’ouverture de l’inscription sur mobile dans les prochains mois ! (Pour le moment seuls les abonnés avec un compte existant peuvent utiliser l’application)
Quels sont vos projets de développement pour la suite, notamment en ce qui concerne l’application ?
Romain Régnier : Nous avons de nombreux projets prévus et améliorations identifiées :
– Ouverture de l’inscription et de la souscription d’un abonnement sur mobile
– Ajout de la mangathèque sur l’application mobile
– Amélioration de la reprise de lecture
– Mise en place de la Simultrad sur de premiers titres
– Notification des nouvelles sorties
– Commentaires et autres fonctionnalités communautaires
– Amélioration de la recherche (par auteur, éditeur, genre)
– Nouvelles pages (refonte de la page manga sur le web, page éditeur, auteur, volume)
– Ajout des suggestions de lecture
– Etc.
Du très très lourd arrive bientôt sur Mangas.io !
Pouvez-vous dresser un premier bilan de Mangas.io après plus d’un an d’existence ? Le succès est-il au rendez-vous ?
Romain Régnier : Nous sommes vraiment contents des résultats de l’année passée. C’était une année de « preuve de concept » réussie, qui nous a permis de prendre une place dans le marché de la lecture numérique et l’écosystème du Manga en France.
Déjà 10 éditeurs nous ont rejoint, des dizaines de milliers de lecteurs se sont inscrits, nous avons débloqué près d’une centaine de titres à l’abonnement et reversé les meilleures rémunérations du marché aux éditeurs pour leur catalogue numérique. Notre équipe s’est aussi structurée et agrandie, nous avons pu lever des fonds pour accompagner notre développement et nous avons gagné en visibilité auprès des professionnels du secteur.
C’est une très grande fierté pour nous d’en être arrivé là ! Et le soutien de la communauté et des éditeurs nous permet de poursuivre notre développement. Et, bien sûr, ce n’est que le début !
Avez-vous un dernier message à faire passer à nos abonnés et/ou à vos utilisateurs ?
Romain Régnier : Mangas.io est une plateforme créée par des fans pour des fans, pour permettre de réconcilier les lecteurs numériques et le monde éditorial du Manga. Ce qui nous aide le plus à avancer, c’est donc de réunir de plus en plus de lecteurs autour de nous ! Alors pour nous aider, vous pouvez en parler autour de vous, nous suivre sur les réseaux sociaux, rejoindre notre Discord, vous abonner et parrainer des amis !
Nous vous remercions d’avoir pris le temps de répondre à nos questions et espérons que le projet perdure encore longtemps !