Avis principal par ladybird3000
Basée sur l’autobiographie de Tomiko Higa, ce manga a été scénarisé et dessiné par Saya Miyauchi. Il s’agit donc d’une histoire vraie, vécue par une enfant lors de la guerre qui a fait rage à Okinawa en 1945. Les mangas historiques basés sur des faits réels sont assez rares, du moins en France. Il s’agit d’un bout d’histoire montrant toute l’horreur que la guerre peut créer, mais teinté d’une infime parcelle d’espoir. Il ne faut pas détourner le regard et accueillir cette œuvre, la lire et la faire lire autour de soi.
Au départ, nous découvrons Tomiko, une petite fille de 6 ans qui vit paisiblement avec sa famille. Sa mère décède de maladie, mais son quotidien auprès de son père, son frère et ses deux grandes sœurs est rempli de joie et d’amour. Le Japon est entré en guerre depuis quelques temps, mais à Okinawa, la guerre semble lointaine. Cependant, en 1945 les bombardements commencent et le père de Tomiko doit les quitter pour aider au réapprovisionnement des soldats. Il confie ses enfants à l’aînée de la fratrie, qui va rapidement décider de fuir afin de ne pas périr sous les bombardements. Les quatre enfants vont donc commencer à marcher chaque jour, se cacher et essayer de trouver à manger, afin de survivre dans cet enfer.
La narration du volume permet de comprendre que cela est un témoignage de Tomiko après avoir survécu à cette guerre. Tomiko nous explique son état d’esprit au fur et à mesure qu’elle avance, nous expliquant ce qu’elle avait en tête à ces instants. J’ai trouvé cette narration très intéressante et elle permet de mieux découvrir le personnage et ses ressentis.
Tomiko n’a que sept ans lorsqu’elle doit fuir avec ses sœurs et son frère, pourtant elle comprend rapidement qu’il s’agit de survie et saisit la cruauté de ce qui se déroule devant elle. La mangaka ne nous épargne aucune scène, comme Tomiko qui n’a pas eu d’autre choix que de voir des personnes mourir devant ses yeux. Rapidement il s’agit de survie dans un environnement austère, entre bombardements, soldats ennemis et même soldats alliés. La fillette doit trouver de quoi se nourrir un peu, de quoi boire, mais aussi des endroits où elle peut se reposer. Cette guerre a coûté énormément de vies, mais les plus grandes pertes se situent du côté des civils qui ont été les premiers touchés. L’île n’a pas été évacuée et les soldats, ennemis comme alliés, ont ravagé cette île durant 82 jours. Le fait que la mangaka nous montre tout cela, sans jamais prendre de parti, ajoute du poids au récit.
Nous découvrons une fillette qui a été marquée et a grandi d’un coup. Elle est souvent partagée entre désespoir et espoir, aussi infime soit-il. Souvent, elle a envie de renoncer, mais des choses font qu’elle va persévérer. Des petits signes qui montrent que si elle avait dû mourir, il le serait déjà depuis longtemps. Elle va faire des rencontres qui vont lui redonner l’envie de vivre, pas seulement pour elle. Un message fort sur l’importance de la vie humaine nous est donné par sa dernière rencontre.
L’horreur est très présente dans ce récit, ponctué de petites lueurs d’espoir. Malgré les agissements de certains, notamment les soldats, on remarque encore une fois l’entraide dont les japonais peuvent faire preuve dans les moments difficiles. On voit également l’importance de la famille et des liens que l’on tisse avec ceux que l’on rencontre. Tomiko ne cesse de penser à sa famille, aux êtres chers qui sont décédés, mais aussi ceux qu’elle a perdu de vue dans la fuite. Tomiko va un moment se retrouver seule et perdue, et dans ces moments, le souvenir de sa famille va lui être d’un grand réconfort. Les conseils et tout ce qu’ils ont pu lui apprendre par le passé vont l’aider à surmonter cette épreuve, lui permettant de se sentir protégée et finalement un peu moins seule.
Ce qui m’a le plus marqué dans ce volume, c’est finalement le moment que l’on attend depuis la première page, le moment où Tomiko va marcher en tenant fermement son drapeau blanc. La mangaka a réussi à remplir cette scène d’émotions qui nous submergent. On ressent la peur de Tomiko, mais surtout son envie de vivre. On ressent les sentiments des personnes qui l’ont poussée à avancer et l’enseignement fort de son père. A travers sa démarche et ses mouvements, on ressent l’importance de la vie et ce qu’elle a donné pour survivre.
Les dessins peuvent sembler un peu brouillons par moment, mais personnellement j’ai trouvé que c’était très bien comme cela. Les expressions des personnages, les décors, tout est bien dessiné et nous dépeint des scènes sans fard. Au début et à la fin de l’histoire, des photos sont utilisées pour appuyer le récit. J’ai trouvé que cela permettait de montrer qu’il ne s’agit pas d’une fiction et de donner encore plus d’impact au volume.
A la fin du volume, la mangaka explique et illustre comment elle a réalisé ce manga, ses pas sur les terres d’Okinawa, retraçant le parcours de Tomiko. Elle décrit les grottes, les renfoncements qui avaient été creusés par les civils afin de se réfugier, les champs de bambous… Elle nous explique comment Okinawa est toujours marquée par cette guerre.
En refermant ce volume, beaucoup d’émotions m’ont submergée. Je pense que je resterai marquée un moment par l’image de cette fillette tenant fermement son drapeau blanc, comme si sa vie en dépendait. Durant la lecture, l’une des réflexions de Tomiko m’a également interpellée. Il s’agit du moment où elle tombe sur un soldat mort et où elle se dit qu’avec son arme, il n’a pas pu survivre, tandis qu’elle, démunie de tout, réussit toujours à survivre. Cela donne à réfléchir et c’est la seconde chose qui m’a marquée dans ce volume.
Certains pourront regretter que l’histoire s’arrête là, que l’on ne découvre pas ce que sont devenus ses deux grands frères et deux grandes sœurs dont on nous parle brièvement au début et qui ne font pas partie de l’histoire. Voire même que l’on ne sache pas ce qu’est devenue Tomiko et sa famille après cela. Pour moi, il s’agit surtout d’un récit centré sur la survie de cette enfant, survie presque inespérée. On a envie d’en savoir plus sur le « après », mais ce n’est pas ce qui importe finalement et, pour moi, le volume se termine très bien comme cela.
Fiche réalisée grâce au service de presse des éditions Akata.
En conclusion
Un one-shot à lire et à relire, à faire découvrir autour de soi. Il dépeint bien des horreurs mais permet d’entrevoir une infime lueur d’espoir.
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